Complotiste (selon Larrousse) : « Se dit de quelqu’un qui récuse la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active ». Par exemple, dans le sondage IFOP précité, 54% des sondés (français) pense que la CIA est impliquée dans l’assassinat du président américain Kennedy.
Pourquoi aborder ce sujet ? Depuis la crise Covid, le mot « complotiste » est devenu un mot valise qui a été employé à tout va dans les médias, souvent pour discréditer la personne qui pensait autrement ou qui était à contre courant du « mainstream ». Celui ou celle qui souhaite avoir une réflexion complexe ou qui simplement doute de ce qu’on lui raconte devient dangereux et subversif.
De quels complots s’agit-il ? c’est là que cela devient compliqué ! car il peut s’agir d’une croyance comme « la terre est plate », ou le Covid a été fomenté par les entreprises de Big Pharma, les élites mondiales sont pédo-satanistes, la première dame est une personne transgenre, la terre est gouvernée par des reptiliens extraterrestres ou encore que la population chinoise est artificiellement gonflée de 400 millions d’habitants. Nous sommes dans le domaine de la croyance, et à part peut-être pour la terre plate (qui ne l’est pas quand on prend l’avion!), les autres exemples sont a priori extrêmement difficiles à confirmer ou infirmer. Alors pourquoi beaucoup de personnes croient à ces « complots », parfois à juste raison, lorsque le temps apporte les preuves comme pour l’assassinat de Kennedy? Les complotistes sont-ils des personnes qui ont 10 ou 20 ans d’avance sur le moment où la vérité éclate ? ou des personnes paranoïaques à
« enfermer »?
Rappelons que la confiance dans nos médias traditionnels s’effondre en France, que les tentatives de fact-checking par des officines auto-proclamées n’ont pas rétabli cette confiance en la fiabilité de l’information. Chacun a les moyens techniques (IA) de fausser une image, une vidéo et de la diffuser sur les réseaux sociaux. Dans un monde mouvant et de plus en plus complexe, nous sommes en difficulté pour faire confiance à ce que nous voyons, entendons et lisons. Or le cerveau a besoin de comprendre, de faire des liens, de se raccrocher à quelque chose qu’il maitrise un peu. Nous avons besoin de récits qui expliquent simplement les choses face à la complexité. Les algorithmes internet amplifient le biais de confirmation et nous enferment dans une bulle numérique
où tout (vidéos proposées, forums,…) semble confirmer notre premier doute.
Au plan sociologique, la croyance en des complots se retrouve majoritairement parmi les personnes qui se sentent dominées : lorsque vous dévoilez ce qui a été caché, vous vous sentez (re)valorisé, vous faites partie de ceux qui ont compris ce que les « normies » ignorent. Et dans un monde désenchanté, dû selon certains historiens au recul du christianisme providentialiste comme récit fondateur, le complot nous permet de nous émerveiller à nouveau. Il permet d’apaiser la folie complexe de notre monde en proposant une folie…explicative et simplificatrice !
L’historien J. Chapoutot va plus loin en soutenant que les théories du complot, en désignant les mauvaises cibles, détourne notre attention et notre vigilance (comme le fait le magicien), et au final servent le système en place à maintenir le statu quo.
L’histoire actuelle semble lui donner raison, tant les complots potentiels n’ont jamais été aussi nombreux et loufoques, et « en même temps » regardons-nous vraiment au bon endroit ? L’important n’est-il pas ailleurs? Là où le Vivant se meurt, en même temps que nos libertés?
Qu’en pensez-vous ? Dites-moi si mon complotisme (modéré) se soigne !
